« Bisexualité (psychanalyse) » : différence entre les versions

La notion de bisexualité préexiste aux recherches de Fliess et Freud, dans la littérature philosophique et psychiatrique des années 1890, mais c'est l'influence de [[Wilhelm Fliess|Fliess]] sur Freud à cet égard, dont témoigne leur correspondance, qui crée une théorisation psychanalytique<ref name=VP>Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, ''[[Vocabulaire de la psychanalyse]]'', PUF, coll. « Quadrige », 2004, {{p.|49-51}}</ref>. Alors que la théorie d'une bisexualité « constitutionnelle » se fonde sur des données anatomiques, il s'agit pour Freud d'envisager comment {{citation|des dispositions sexuelles à la fois masculines et féminines […] se retrouvent dans les [[Conflit psychique|conflits]] que le [[Sujet (psychanalyse)|sujet]] connaît pour assumer son propre sexe}} <ref name=VP/> .

Freud et Fliess ont pour ambition, à la fin du {{s|XIX|e}}, de produire en commun une théorie de la bisexualité. Cependant, bien qu'ils s'accordent au départ sur l'idée d'une bisexualité innée, c'est-à-dire que chaque être humain serait à la fois féminin et masculin, ils sont en désaccord sur son origine. En effet, Freud soutient l'idée d'une bisexualité [[Psychisme|psychique]], et Fliess celle d'une bisexualité [[Biologie|biologique]].

Freud oppose à cette théorie l'idée d'une bisexualité psychique, une dualité masculin/féminin qui se situerait dans le psychisme et non dans l'organisme. Leur désaccord les amène à abandonner l'idée d'un travail commun sur la bisexualité<ref name=Lembrez>{{Ouvrage|langue=françaisfr|auteur1=Lucie Lembrez|directeur1=Michela Marzano|titre=Mécanismes de la sexualité en France, bisexualité et enjeux sociétaux : l’essor d’une nouvelle révolution sexuelle (Thèse de doctorat de Philosophie)|passage=|lieu=Paris|éditeur=Université Sorbonne Paris Cité|lieu=Paris|année=2015|pages totales=358|isbn=|lire en ligne=https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01157714/document}}</ref>.

D'après [[Éric Macé]], [[Robert Stoller]] s'oppose à l'hypothèse de la bisexualité freudienne<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Éric|nom1=Macé|titre=Ce que les normes de genre font aux corps / Ce que les corps trans font aux normes de genre, Abstract|périodique=Sociologie|volume=1|numéro=4|date=2011-02-03|issn=2108-8845|doi=10.3917/socio.004.0497|lire en ligne=http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=SOCIO_004_0497|consulté le=2017-04-27|pages=497–515}}</ref>.

[[Nancy Chodorow]] critique l'interprétation faite en psychanalyse des théories freudiennes de la sexualité, et affirme que la description de la sexualité humaine exige de dépasser les « généralisations » et « universalisations » précédemment faites, et qui instaurent l'hétérosexualité comme critère de définition d'un développement psychique normal<ref name=NC>{{Ouvrage|langue=anglaisen|auteur1=Nancy J. Chodorow|titre=Femininities, Masculinities, Sexualities|éditeur=The University Press of Kentucky|lieu=Lexington, KY|année=1994|passage=Freud on women et Heterosexuality as a compromise formation|lieu=Lexington, KY|éditeur=The University Press of Kentucky|année=1994|pages totales=|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. Selon elle, il s'agit pour la psychanalyse, {{citation|d’une part, [de] rattraper le niveau de la culture et de ses propres découvertes cliniques, et, d’autre part, [d'en] revenir à Freud<ref name=NC />}}. Elle critique également le stéréotype associant [[identité de genre]] (ou féminité/masculinité) et [[Sexualité humaine|sexualité]]<ref name=NC />.

Selon [[Lucie Lembrez]], les travaux de Fliess et Freud, comme la majorité des travaux sur la bisexualité, sont parfois contradictoires et ne parviennent pas à donner à la bisexualité une place propre comme pour l'homosexualité ou l'hétérosexualité<ref name=Lembrez />. D'après elle, Freud admettrait cette confusion de sa théorie en 1929 en expliquant dans ''Malaise dans la civilisation'' que la bisexualité ne passe pas directement par les [[Pulsions (psychanalyse)|pulsions]] <ref name=Lembrez />.

=== « Genre » et bisexualité en psychanalyse ===

Dans le cadre de la [[théorie de la séduction généralisée]], [[Jean Laplanche]] introduit la notion de « genre » dans la [[Psychanalyse en France|psychanalyse française]] au cours de ses derniers travaux <ref name=Merot>Patrick Merot, « Jean Laplanche (1924-2012) », ''[[Dictionnaire international de la psychanalyse]]'' (dir. A. de Mijolla), édition mise à jour avec des compléments (indiqués en chiffres romains), Paris, Fayard / Pluriel, 2013, {{p.|XIII-XIV}}.</ref>{{,}}<ref>Jean Laplanche, « Le genre, le sexe, le sexual » (2003), dans '' Sexual. La sexualité élargie au sens freudien. 2000-2006'', Paris, PUF, 2007, {{p.|153-193}}.</ref>. D'après la théorie de Laplanche, le genre vaut alors comme « message énigmatique » assigné à l'enfant par l'autre adulte, le plus souvent les parents, ou « message compromis », c'est-à-dire {{citation|infilté par l'[[Inconscient (psychanalyse)|inconscient]] sexuel des parents}}<ref name=Merot/>. [[Patrick Merot]] signale aussi le {{citation|dialogue avec [[Judith Butler]]}} engagé dans cette approche plus radicale et originale de la notion de genre en psychanalyse par Jean Laplanche<ref name=Merot/>. Ces hypothèses théoriques soulevées dans « Le genre, le sexe, le sexual » ouvrent en dernier lieu sur plusieurs « incertitudes », souligne Laplanche en conclusion de son article, parmi lesquelles les deux questions suivantes : {{citation|Comment se situe, par rapport à cette double lignée [l'[[Genre (sciences sociales)|assignation sociale]], à côté de la lignée de l'[[Théorie de l'attachement|attachement]]], le problème de la [[Sexualité féminine|féminité]] et celui de la “bisexualité”?}}<ref>J. Laplanche, « Le genre, le sexe, le sexual », dans '' Sexual'', 2007, {{p.|174}}.</ref>.

L'analyste peut se ressentir déstabilisé(.e) face à {{citation|une problématique touchant à l’[[identité sexuelle]]}}<ref name="KhairB">Marie-Thérèse Khair Badawi, « Féminin, féminin/maternel : des constructions pour le dire », ''Revue française de psychanalyse'', vol. vol. 72, no. 5, 2008, {{p.|1489-1496}}, {{lire en ligne|lien=https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2008-5-page-1489.htm}}.</ref>. Si le recours théorique à Freud reste {{citation|précieux}} à ses yeux, relève [[Marie-Thérèse Khair Badawi]], la notion de « stade protoféminin » développée par Stoller s'est néanmoins imposée à elle dans la mesure où la « protoféminité » postulée par cet auteur {{citation|est un stade féminin premier dans la relation avec la [[mère]]}}: {{citation|la féminité serait donc première pour Stoller, chez la [[fille]] et chez le [[garçon]]}}<ref name="KhairB"/>.

* "Les fantasmes hystériques et la bisexualité", 1908, in ''Névrose, psychose et perversion'', P.U.F., Paris, 1973, 149-155.

* [[Jean Bergeret, J.(psychanalyste)|Jean Bergeret]], 1975, « La somme, la différence et la division (La bisexualité et les fantasmes primaires) », ''[[Revue française de psychanalyse]]'', tome XXXIX, 1027-1050.

** « Ecriture, sexe et bisexualité », ''Nouvelle Revue de Psychanalyse'', 1977,n°16.

* Marie-Thérèse Khair Badawi, « Féminin, féminin/maternel : des constructions pour le dire », ''[[Revue française de psychanalyse]]'', vol. vol. 72, no. 5, 2008, {{p.|1489-1496}}. {{plume}}

* [[Michel de M'Uzan]], 1975, « Trajectoire de la bisexualité », ''Revue française de psychanalyse'', tome XXXIX, 885-892.

* « Bisexualité » (Article) dans: {{ouvrageOuvrage|langue=fr|prénom1=Elisabeth|nom1=Roudinesco|prénom2=Michel|nom2=Plon||lien auteur1=Élisabeth Roudinesco|prénom2=Michel|nom2=Plon|titre=Dictionnaire de la psychanalyse|éditeur=Fayard|Chapitre=Bisexualité|lien éditeur=[[Fayard (maison d'édition)|lieu=Paris|année=2011Fayard]]|collection=[[La Pochothèque]]|lieu=Paris|année=2011|année première édition=1997|pages totales=1789|isbn=978-2-253-08854-7|titre chapitre=Bisexualité}}

* [[Robert Stoller, R.]], 1973, "« Faits et hypothèses : un examen du concept freudien de bisexualité" », ''Nouvelle Revue de psychanalyse'', no 7, 1973, {{p.|135-155}}.

* Jean-Jacques Tyszler, « Quelques conséquences du refus de la différence des sexes », ''La revue lacanienne'', Eres, 2007, n°4, pp. 34-39.

* [[Serge Viderman]], S., 1975, "« Ce que deux est à trois" », ''Revue française de psychanalyse'', tome XXXIX, 1975, p. 935-942